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Vous entendez ce bruit ? Approchez... Tendez la feuille et le museau. Ce ronronnement continu, l'air frais qui glisse le long de la vitre avant de vous rebondir contre la joue, cette fraîcheur qui va progressivement se muer en froid polaire aux basses heures de la nuit... C'est la clim du VIP night bus qui vient de larguer les amarres en pointant ses phares plein Nord, vers Kalaw, dont on devrait apercevoir les brumes à l'heure ou blanchit la campagne. Rien à craindre, les flancs de notre destrier de quinze mètres sont ornés de décorations médiévales, une longue muraille crénelée court le long de la carrosserie. Même les poignées d'ouverture latérale pour l'accès aux soutes ont été modifiées, en mode fer forgé moyenâgeux. Palsembleu, sus au Septentrion !
Il y a dix minutes encore, le véhicule avait, littéralement, le groin planté à l'intérieur de la salle d'attente de la compagnie Thit Sar (comme ça se prononce), jusqu'à la garde des roues, y-compris les deux larges rétroviseurs, dans ce qui est probablement l'une des gares routières d'envergure les plus mal foutues du monde – un régal, donc, pour le voyageur : les (dizaines de) cars doivent se faufiler entre les piétons dans d'étroites allées, de sorte que lorsque l'un d'eux se gare devant une salle d'attente pour avaler bagages et voyageurs, le temps est compté parce que derrière ça coince sévère. Remarquez, on n'avait pas grand chose à charger dans la soute : deux lits médicalisés complets déjà montés et une centaines de gros cartons en tous genres. Ainsi que mon fidèle Bach 70 litres. Le plus amusant, c'est que lorsque le ventre du car se retrouve gonflé comme un candidat des Républicains, tu grimpes à bord et il reste un siège sur deux de libre. C'est ainsi.
Je venais de m'enquiller un petit street hotpot de première bourre. Vous connaissez le hotpot ? Une fondue chinoise de bouillon chauffée en continu dans laquelle on jette légumes découpés, morceaux de viande, nouilles... tout ce qui se mange. Celui-ci, pour être tout à fait street, avec été pensé avec ingéniosité, streetwise. Une grande cuve de métal appuyée sur plaque chauffante posée au sol et surmontée de deux pièces de bois carrées : la première pour assurer la stabilité du plateau, l'autre posée dessus, de dimensions plus petites, et ajourée comme un volet posée à l'horizontale, pour récupérer le bouillon coulant des généreuses louchées servies par la fille de la patronne, jeune femme rieuse portant une robe Walt Disney. Au menu : noodles aux choux accompagnées de brochette de gras de tête de porc. Délicieux. Sa mère, l'oeil malin, me regardait morte de rire manger sur la chaise miniature de plastique rouge en face d'elle, au milieu de commensaux très occupés, de même, à me scruter, avec un banane commack. J'ai un bouton sur le nez ?
Avant de quitter Yangon, j'avais mis le cap sur le National Museum, qui expose avec fierté les trésors culturels birmans. De très intéressantes pîèces, partfois somptueuses – comme ce trône doré aux dimensions gargantuesques pour lequel une salle a été conçue sur mesure, ou ces bijoux faits de multiples feuilles d'or enroulées sur elles-même, formant une fleur légère - jouxtent des dioramas et reconstitutions ou maquettes d'un goût, disons, que je ne partage pas. A ce sujet, muséographie et guides pratiquent volontiers une critique de l'impérialsime anglais qui m'a rappelé, en matière de colère anticolonialiste, les notules sèchement néerlandophobes des musées de Malacca, en Malaisie.
Bon, moi, petit Français, je dois dire que j'étais dans mes petites sandales...
Il fait désormais nuit noire, seules sont visibles les loupiotes de l'intérieur du car. La route, devenue un brin cahoteuse, s'ouvre face à nous droite comme un ruban.
C'est parti pour de nouvelles aventures.
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