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Au voleur !
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Observons son comportement avant d'appeler la Tourist Police, scrutons bien ses faits et gestes : il se faufile, se tapit un moment dans l'ombre... Il longe le temple, regarde à droite à gauche, puis se planque sous un arbre à nouveau. Sûrement un pillard avec l'intention de mettre la main sur une statuette pour la revendre à un antiquaire sans scrupules. Saligaud, va ! Attendons encore un chouïa, suivons-le. Il pénètre dans le temple... y passe quelques minutes, passe sa main le long du Bouddha couché, mais ne se saisit de rien. A la sortie, il reprend son manège, tourne la tête en tous sens tel une poule affolée, se tapit dans l'ombre, sautille comme le fait un malfrat de dessin animé. Il ne semble sourire que lorsqu'il n'est pas en pleine lumière...
Ce cirque, c'est la visite des monuments de Bagan lorsqu'il fait une température de buffle fiévreux, que le soleil tape comme sur un ring : déchaussé – ainsi le veut la tradition des visites de lieux sacrés bouddhistes – le pied nu se pose sur une brique chauffée à blanc en mode seconde cuisson. Vous avez la plante là où on pourrait faire cuire un œuf. Bref, vous avez le panard sur la lèche-frite. Ca brûle.
Bagan, c'est donc un enchantement avec une pincée de torture moyenâgeuse. Ou plus contemporaine, pour les levers et couchers de soleil. Le matin par exemple : arrivé à cinq heures, après avoir gravi les marches qui mènent au sommet des temples dont les étages sont accessibles, vous prenez place. Le temps se dilue alors que le ciel se poudre de safran, avant que n'apparaisse la goutte du soleil, libérant l'oeil grâce à son sérum, pour la vision des centaines de stupas et temples sortant de la nuit, coiffés d'un filet de brume. Libérant l'oreille aussi, qui a tout le loisir de se nourrir de cette instruction venue du voisinage direct : «Disparar... Take a shot... ». Oui, puisque l'on peut désormais déclencher sa Go Pro, son téléphone, son appareil à la voix, en espagnol, en anglais, ce serait dommage de ne pas en profiter dans ces moments de sérénité. Ho les gars, ce n'est pas parce que c'est possible que c'est obligatoire.
Reste plus, donc, qu'à trouver LE(S) spot(s) ou il n'y aura personne. C'est chose faite. Hier soir, je me suis faufilé en skred au sommet d'un temple en toutes petites lettres sur la carte (il y en a tellement !). J'ai bien le temps de chercher, remarque, il me reste encore deux jours ici – je suis en garnison. Je m'explique : puisque les autocars et trains ne fonctionnent pas durant le Water Festival, j'ai dû zapper une dernière destination pour ne pas me retrouver bloqué au fond du Myanmar avant que mon zinc ne replie son train d'atterrissage, le 16 avril.
Du reste, dans cet immense espace tout entier voué au culte de Bouddha (plus de quarante kilomètres carrés), pas difficile de se retrouver isolé comme un Robinson. Comme à Venise, lorsque vous faites un pas de côté. Les chemins de sable sont profonds, on glisse dessus dans le silence, et la majorité des temples sont vides. C'est magique.
Construits entre le neuvième et le treizième siècle, de toutes formes, ils affleurent au-dessus de la cime des arbres pour les plus imposants ou se tiennent bien sagement sous la ramure, pour les plus modestes - mais non moins charmants. Le plan directeur ? Difficile à comprendre : temples, pagodes et stupas semblent dispersés comme on jette des dés. Il y a des monastères aussi, où les armées de novices s'affairent autour de moines parfois débordés.
L'alarme ! C'est l'heure du lever de soleil.
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