• Bonus track

    Pour dire toute la vérité, et n'en déplaie aux Porteños, comme on appelle les habitants de la capitale argentine, nous n'avions guère envie de passer les trois derniers jours de notre aventure à Buenos Aires. De la ville, de l'urbain, du nombre, nous allions en avoir à profusion dès le 30 décembre, jour de notre retour en France, alors on voulait autre chose. Un sas.

    Buenos Aires est située sur la rive du Río de la Plata, ample fleuve qui sépare le pays de son discret voisin, l'Uruguay. Après dix-neuf heures de car, nous avons foncé directement depuis le Retiro, l'immense gare routière de Buenos Aires, jusqu'au port, pour emprunter une navette fluviale nommée Buquebus et prendre la poudre d'escampette en direction de Colonia del Sacramento, paisible bourg colonial arrimé au fleuve côté uruguayen.

    Moins de vingt-quatre heures après notre départ de Patagonie, nous accostions en Uruguay, ajoutant un tampon à notre passeport déjà ouvragé comme la Tapisserie de Bayeux. Bonus track. Quoi ! Vous avez pas visité Buenos Aires? Bah non. L'impro, jusqu'au dernier centimètre de ce périple, épouse la ligne brisée de la tentation, comme un solo de contrebasse d'Henri Texier. Nous ne descendrons pas à Convention - Hé hé...


    Lorsqu'en septembre nous sommes entrés dans Kumai, au sud de l'île de Bornéo, après une rude traversée de la Mer de Java sur un Pelni boat armé comme un bûcher sacrificiel qui n'attendrait qu'une allumette, nous avons erré dans la petite ville, à une heure du matin, avant de trouver, dans un hôtel minable, deux chambres pour passer le restant de la nuit. Avant de nous enfoncer dans la jungle du Tanjung Puting.

    Lorsque nous visitions les plantations Bo des Cameron Highlands, en Malaisie, nous avons pris la tangeante à travers les buissons de thé pour une promenade qui nous a pris une journée de marche et nous a menés bien plus loin que prévu, perdus même, au milieu d'une végétation splendide, avant de rentrer en stop.

    Pire, mieux même, c'est en atterrissant sur le sol indonésien, à bord d'un petit Boeing Air Asia qui avait levé les roues à Singapour, que nous avons, presque au hasard, jeté notre dévolu sur l'archipel des Célèbes - qui allait devenir un des highlights de ce périple, nous donnant à goûter, comme on goûte non pas un, mais deux fruits rares, les Îles Togian et le Tana Toraja.

    Bref, les plus grands plaisirs de cette aventure auront bien souvent été dûs à des décisions échapant à la raison, des mouvements de dernière minute, avec le désir pour seul moteur, lorsque les Lonely Routard étaient calés au fond des valoches, bien à leur place finalement - entre deux paires de chaussettes. Rappel : le Lonely Planet Thaïlande, c'est lorsque les enfants ont eu leur tourista de compétition qu'il nous a été le plus utile...

    Faisant l'économie du motif, le voyage se pare de motifs qui ne tatouent que celui qui le fait, comme un passeport de vent. Il n'y a pas de généralité du voyage - il n'y a que des cas particuliers du voyage. Une combinaison unique de choses vues et de choses encore ignorées. Célestin fait un voyage. Amphélise fait un voyage. François fait un voyage. Eve fait un voyage. CAFE est le compagnonnage idéal dans cette aventure - mais chacun porte sa propre expérience.


    C'est donc par les vitres tachées d'un bus de la compagnie El Condor, puis celles, plus propres, d'un taxi modèle Logan, que nous avons observé la capitale argentine, traversée comme par effraction. Nous n'y aurons pas plus entendu de tango que nous n' y aurons pris le temps d'observer la fourmilière arpentée chaque jour par Borges, qui même loin de sa ville, ne "quittait jamais Buenos Aires", sur laquelle il posa ses yeux morts jusqu'en 1986.

    Bonus track

    Bonus track

    Nous dorons donc, depuis hier, au soleil tranquille de Colonia del Sacramento, où nous avons pris nos quartiers dans une bâtisse coloniale défraîchie mais bien agréable, sur l'avenue principale. A quelques pas de notre hostal, le barrio histórico, qui se termine en pointe de flêche, plonge dans le Río de la Plata, de telle sorte qu'en se plaçant au milieu de l'Avenida del General Flores, vous pouvez observer de chaque côté les rues adjacentes piquer vers les eaux sombres de la rivière, jusqu'à une plage de sable fin d'oú émergent des palmiers au tronc court et épais comme un cou de toro.

    En bas, quand vient le soir, les jeunes Uruguayens, assis sur des murets dos à la rivière, tchatchent en buvant leur maté à travers une petite paille de métal, un thermos d'eau chaude à la main - d'ailleurs, ici, tout le monde se trimbale dans la rue avec son gros flacon de métal, comme Javier Bardem dans No Country for Old Men, en beaucoup moins flippant. Jeunes filles et jeunes garçons se retrouvent sur le remblai, qui fait face à la capitale argentine, située cinquante kilomètres au sud. Par temps clair, il est possible, dit-on, d'en apercevoir les hautes tours de verre et de métal du quartier des affaires.

    Or, hier, les eaux du fleuve étaient surmontées d'un filet de brume qui donnait au Río des allures d'océan et masquait la vue de Buenos Aires. Décidément...


  • Commentaires

    1
    sylvie Ulis
    Vendredi 28 Décembre 2012 à 16:59

    bonjour à vous, vous souhaite de commencer l'année aussi bien que vs l'aurez achevée, merci pour ces articles émouvants,palpitants, souvent droles toujours passionnés/passionnants et merci pour vos magnifiques photos durant ces 6 mois d'un périple si généreusement partagé, merci pour la pause café, qui va me manquer!!! et bon retour à vous!

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