• Cusco, pour les lève-tard ?*

     Le 10 octobre, nous avons embarqué à 17h15 à Lima, dans un confortable bus imperial cama de la compagnie Tipsa. A la gare routière de Javier Prado, on procède comme dans un aéroport : les bagages sont déposés à l’enregistrement, puis on monte à bord. Il y a deux chauffeurs pour se relayer au volant, et un tripulante, hôte d’accueil qui sert les plateaux repas, nettoie les toilettes et lance des DVD diffusés sur trois écrans de la cabine. Il faut dire que le trajet dure vingt et une heures. Nous sommes arrivés à 13h15 le lendemain, trois mille quatre cents mètres plus haut. On a eu largeos le temps de bouquiner, de regarder des films, d’écrire, de bosser…

    Hélas, les camas (lits, en français) sont plus théoriques que propices au sommeil. Eve n’a pas dormi de la nuit, les enfants une poignée d’heures, et moi deux ou trois. Ajoutez plus de trois mille mètres d’altitude à tout ça, et vous auriez trouvé quatre Gaulois littéralement explosés à la sortie du bus. On tenait à peine debout, les yeux se fermaient – et il fallait trouver un hôtel, qu’on eût aimé sympathique car on allait passer quatre ou cinq jours sur place. Pas évident…

    Au lever du jour, néanmoins, c’est avec des yeux grands ouverts que nous avions vu, à travers les fenêtres du car, le soleil poser ses premiers rayons sur la Cordillère des Andes. Le véhicule, une bonne partie de la nuit, avait longé l’océan vers le sud et roulé sur une chaussée bien ficelée dans la plaine péruvienne. A l’heure du tigre, donc, il avait obliqué vers le nord-est pour frayer à travers les montagnes vers le cœur  du territoire inca, où les sommets dépassent les six mille mètres, tout de même. Les premiers contreforts de la Cordillère, comme la plaine que le bus venait de quitter, sont nus comme la paume de la main. En s’élevant, la roche gris-brun prend ses aises et se déploie d’une manière inattendue : elle prend du relief et se creuse en larges canyons que notre autocar a traversés lentement. Ca et là, des touffes de végétation sèche comme des poignées de crépon grattent le sol aride. Certains virages nous permettaient d’avoir une vue dégagée, et le paysage donne une réelle impression d’immensité. C’est somptueux. Alors que nous continuions de grimper, nous avons vu au loin les mesas qui se dressent sur la crête comme des sentinelles minérales. Elles font obstruction au passage des nuages venus de l’est. Les masses blanches et cotonneuses les pressent doucement comme des écharpes. C’est la raison pour laquelle ce versant de la cordillère est si sec. Comme de surcroît les courants froids du Pacifique empêchent toute formation nuageuse depuis l’ouest, la longue bande de territoire péruvien sur laquelle nous nous trouvions n’est pas arrosée. Les rares hameaux que nous avons croisés sont constitués de maisons fabriquées en terre cuite, sans étage, et ce sont des amas de pierres disposées en « O » qui forment les enclos dans lesquels on garde les troupeaux d’alpacas. Il n’y a presque personne… Célestin nous rappelle avoir appris en géographie que le désert se définit principalement par une densité de population extrêmement basse – il a donc pu constater avec nous que cette partie des Andes correspond aux critères.

    Nous avons poursuivi notre escalade jusqu’au sommet, et sur le versant est, c’est un tout autre environnement qui s’offrait à nous. Les flancs, de ce côté-ci, sont plus arrosés et la verdure a désormais sa place. Mais ce n’est pas encore la jungle, loin de là – ce n’est que plus à l’ouest, de l’autre côté de la Cordillère que débute l’Amazonie. C’est un paysage de cactus, d’arbustes et d’arbres au tronc fin que nous avons trouvé là. L’ensemble est bien moins désertique : nous avons traversé plusieurs villages en nous approchant de Cusco. La capitale de l’Empire inca, que Manco Cápac, le premier empereur, choisit pour sa fertilité : il avait à plusieurs reprises lancé une barre d’or aux alentours, mais c’est ici qu’elle se planta dans le sol. Cusco devint par conséquent le haut-lieu des Incas.

    Un haut-lieu ou quatre Gaulois, hier matin, les traits tirés, ont passé deux heures à chercher un hôtel. Pour finir dans un hostal borgne… L’hôtellerie, dans cette ville très touristique, se répartit en trois catégories. Une palanquée d’établissements chics et chers, pas mal d’hostales sympas, où les chambres sont disposées autour d’un patio – mais la plupart sont des party places où la musique est diffusée à donf jusqu’à deux heures du matin. Ils sont d’ailleurs généralement pleins. La troisième catégorie est constituée d’hôtels glauques. Nous avons fini par prendre le moins glauque dans cette dernière, pour notre première nuit sur place. Puis, alors que les enfants se reposaient, nous sommes repartis en chasse et avons mis la main sur un hostal disposant d’un patio et plutôt calme. Nous avons donc déménagé ce matin. C’est cette après-midi que nous partons à l’assaut de la ville, car nous étions dans le gaz, hier, lorsque nous avons traversé la Plaza de Armas pour trouver à manger, mais même dans notre état semi-comateux, ce vaste zócalo entouré de bâtiments coloniaux et d’une cathédrale dont la construction remonte à 1560, niché au creux de montagnes visibles de partout en ville, nous avait déjà emballés.

    A l’attaque !

    * Bon celui-ci, on ne va pas s'étendre dessus...


  • Commentaires

    1
    sylvie ulis
    Mercredi 14 Novembre 2012 à 18:07

    soulagée de lire que les Gaulois sont dans du moins glauque.... et bon Inca pour tout, au plaisir de vous lire.Sylvie

    2
    zaza75
    Mercredi 14 Novembre 2012 à 21:35

    Eh les Gaulois reposez vous quand même, s'agirait pas que vos corps affaiblis chopassent une saloperie qui trainasse.....allez bon vent chez les Incas !

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