• Dernières heures malaisiennes

    Hier soir, nous avons passé une soirée très agréable dans Malacca, d'abord à  flâner dans les ruelles de Chinatown, puis à bord d'une pénichette sur la Malacca, en dégustant des cheese nans et en buvant du 100 Plus, un soda local. Dans la tiédeur de la nuit, nous sommes remontés depuis le delta vers le Nord en suivant les méandres de la rivière. Pas de pirates ici, pas de détroit... Juste les lumières de la ville, les fresques de carnaval des façades longées à toutes petite allure, et, comme un reliquat du passé, quelques pouces carrés de mangrove.  Célestin s'agite de babord à tribord, armé du réflex, pour tenter de capturer la nuit. Autour de nous ne se trouvent qu'une poignée de jeunes couples qui ont choisi de baigner leur romance dans l'eau fraîche. Les Chinoises, de Singapour ou d'ici, portent short et tee-shirt, les Malaises jean et foulard. On se tient la main, amoureusement.

    Nous avions quitté José et Kauthaman, nos bons samaritains, le matin même, pour passer la nuit au Chong Hoe, face au temple hindouiste de Harmony Street, à proximité de la mosquée et de la pagode bouddhiste. Cétait l'avant-dernier jour du mois. La date du 30 août revêt une importance toute particulière pour les Chinois de Malacca, car c'est le trentième et dernier jour de prière en hommage à la déesse Thuropatai, figure centrale du Panthéon de Chen Hoog Teng Temple, le principal édifice bouddhiste de la ville. A cette occasion, dans la rue, devant maisons et boutiques, les fidèles organisent des feux de joie. Les foyers sont alimentées par des feuilles de papier léger, type crépon, acheté par rames entières chez les grossistes du quartier de Jonker Street, qui volettent quelques secondes au-dessus des flammes avant de se consummer en un clin d'oeil. Le long des cendre, dont le tas grossit au fil de la nuit, on aligne des bougeoirs de verre dans lesquels ont été plantés des cierges rouge carmin.  Pour la déesse, c'est un jour faste : des oranges sont placées en petits tas, ainsi que des bouteilles de soda, du riz et d'autres aliments versés en offrande pour elle. Autour de ces bûchers de fortune, les familles, les amis se déplacent en silence, s'agenouillent et se lèvent tour à tour. Les mains sont jointes en prière à hauteur du menton, paume contre paume, piquées de bâtons d'encens, et les visages sont tournés vers les flammes. Hasard du calendrier, cette fête coïncide avec la veille de la célébration de l'indépendance malaisienne, ratifiée le 31 août 1955, il y a cinquante-sept ans. Du fait que ce document a été signé à Malacca même, l'effervescence est à son comble dans la ville. Des pétards éclatent ça et là et on a monté le son des hauts-parleurs dans toute la cité.

    Séjourner à Malacca est un bonheur : la vie y est douce, moins trépidante qu'à Kuala Lumpur - on y travaille sérieusement, mais à heures fixes, et le repos, ainsi que la vie de famille, sont des pierres angulaires du quotidien des habitants. Notre dernière visite fut celle du Baba-Nyonya Museum - il s'agit d'une maison bourgoise, avec une courte façade de bois peint, mais une structure tout en longueur qui garantit à la bâtisse une surface importante. Les Baba-Nyonyas sont les descendants des Chinois (immigrés à Malacca pour y faire du commerce dès les 16° siècle) et de Malais, métissage qui a donné lieu à une culture, une gastronomie locales entretenues avec soin. La maison est richement décorée, les carrelages à motifs floraux sont splendides, ainsi que le mobilier : une collection de meubles, chaises, consoles, écritoire, banc en palissandre incrusté de nacre, massifs néanmoins finement ouvragés, atteste la fortune des propriétaires. Les nombreux thèmes végétaux du lieu, sa fonctionnalité élégante et pleine d'astuce, ne sont pas sans rappeler les demeures réalisées par Gaùdi en Catalogne un peu plus tard. Un régal.

    Après bientôt deux mois de route, le jour où la Malaisie célèbre son indépendance, CAFE se lance dans la dernière ligne droite continentale pour atteindre l'extrêmité sud-est de la plaque asiatique, coincée entre Sumatra et Bornéo : Singapour. L-île-ville-pays qui pour les Malais veut se faire plus grosse que le boeuf, Singapour qui affiche un PIB par habitant à faire pâlir bien des Européens... Let's go check this out !


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :