• Deux + deux

    NOUVELLES PHOTOS ICI (suite de l'album)

    Quatre jours, deux plus deux – une centaine d'heures pour se construire une certitude : la Birmanie est un pays merveilleux. Ca fait juste un peu plus de quatre jours que je suis ici, et j'en ai déjà eu tant dans les mirettes, le gosier, les feuilles... C'est impressionnant. Du reste, l'autre construction en cours, c'est celle du pays. La ville de Kalaw, où je me trouve, est un vrai chantier. Dans dix ans, que sera devenue cette riante bourgade d'altitude, où l'air frais fait un bien fou ? On t'y monte de l'hôtel, on t'y érige de la résidence, on t'y fabrique du condominium de luxe... A voir.

    En plus d'une villégiature tempérée, la ville est également le point de départ d'un trek relativement réputé chez les routards, relier le lac Inle, plus à l'est, en parcourant soixante-dix kilomètres à travers champs et montagnes. A cette période de l'année, c'est le gingembre et les légumes verts qui sollicitent l'activité des paysans du coin, que nous croiserons en chemin.

    Légumes verts, gingembre, ce ne sont que quelques uns des produits que l'on pouvait trouver ce matin sur le special market, qui ne se tient que tous les cinq jours et attire les (petits) producteurs de toute la région. On apprécie tous, pour ceux qui ont eu la joie d'y goûter, les marchés tropicaux. Mais celui de Kalaw (prononcer « calot ») a un petit quelque chose de charmant qui le distingue. Immense, il ne rassemble que de tous petits étals, le plus souvent jetés au sol par les agriculteurs pour disposer la production personnelle. L'un a posé un tas de piments rouges qu'il débite également en poudre, de trois calibrages différents. L'autre a arrangé des petits tas de plantes aromatiques que l'on ne trouve pas sous nos cieux, qu'elle arrose régulièrement pour les maintenir au frais. Une autre encore présente des fleurs en petits bouquets posés au sol. De manière très sûre, je lui demande de quelle manière on les cuisine, ou du moins avec quoi (petit cri de cochon de derrière les fagots, entre autres) – d'un air surpris, elle me fait comprendre que non non, c'est juste pour offrir, pour décorer, quoi.

    Par ailleurs, pour la première fois, je croise en nombre des membres d'ethnies locales qui se distinguent les uns des autres par leur tenue.

    Et leur trogne.

    D'aucunes ont le visage buriné, presque noir, et portent d'admirables turbans bleus, verts ou rouges. D'autres portent en bandoulière des sacoches de coton tressé rayées, souvent rouges, qui ne sont pas sans rappeler l'artisanat guatémaltèque qu'on trouve sur l'illustre marché dominical de Chichicastenango. D'autres encore se tartinent tant le visage de Thanaka qu'ils ont l'air de blancs becs. Par bonheur, tous sont prêts à échanger un mot. Toutes, tous ont cette petite excroissance au bas de la joue : c'est le bétel. Ici aussi, encore plus qu'à Yangon d'ailleurs, on a les gencives décharnées et les dents comme frottées au sang.

    Il me faudra en tout trois heures pour parcourir le marché, ne faisant l'emplette que de deux petites tomates bien fermes, que d'ailleurs la marchande m'offre, d'un mouvement de la main, probablement épuisée à l'idée de peser ces riens du tout.

    Faux ! J'ai réussi à acquérir, contre monnaie sonnante et trébuchante, une petite mangue verte effilée, parsemée de piment et vendue en petit sachet avec un pic, qui vous allume gentiment le gosier. Que vérité soit faite : une mangue verte effilée, c'est rien qu'un imposteur qui veut se faire passer pour un avocat. Position indéfendable !

    J'espère que la mienne le sera moins pour les trois jours à venir, sur les sentiers menant au lac. Trois jours à gambader dans la campagne birmane sans autre souci que le kif.

    Yalla !

    PS : pas de publication, bien-sûr, pendant ces trois jours.


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