• Eléphants mémorables

    Voilà un special day qui a tenu toutes ses promesses et bien plus encore ! François Collier, le propriétaire du Ganesha park, a bien fait les choses. Il faut dire qu’il maîtrise son affaire : habitant en Thaïlande depuis des lustres, marié à une Philippine et père de quatre enfants qui parlent français et thaï, il a une passion pour les éléphants et connaît le coin comme sa poche. Ils ont tout plaqué en France en 2003 pour venir s’installer ici avec une idée en tête : bosser avec des éléphants – ce qui en plus tenait à l’époque du rêve de gosse bien davantage que du projet d’entreprise, car ils n’y connaissaient rien à ces bêtes. Ce n’est donc pas un hasard si aujourd’hui, contrairement à ce qui se pratique un peu partout dans le pays, il ne nous propose pas une courte promenade à dos d’éléphant, mais une immersion dans le monde de l’animal.

    On est partis hier matin vers 8h30 pour rejoindre les mahouts qui nous avaient quittés un peu plus tôt pour chercher Tongkham et ses trois copines qui broutaient plus haut dans la montagne, comme chaque nuit, au milieu des bambous. En fait, elles paissent toujours dans un endroit différent, car en quelques heures, ces demoiselles vous font disparaître un carré de verdure plus sûrement qu’une légion de moutons.

    Les mahouts traversent un champ de palmiers pour nous rejoindre, en sifflotant... Ode to my family, des Cranberries. Les éléphants déplacent leur masse dans un silence étonnant, ce sont les mahouts qui font l’animation : ils jacassent sans cesse, entre eux ou pour parler à leur bête. Une fois les présentations faites, nous mettons le pied à l’étrier. Amphélise montera Tongdeng, Célestin Sengdao et nous Tongkham. C’est finalement sans grand mal que nous prenons place sur la tête de nos montures. Il suffit, pour y parvenir, tout d’abord de remonter son pantalon (un sarouel en jean que François nous a prêté), puis prendre appui sur la patte avant que l’éléphant lève pour nous, de se saisir du lobe de son oreille de la main droite et d’un pli dans la peau du dos de la gauche, avant de se hisser en rampant jusque sur le col de la bête. A trois mètres de haut, à califourchon sur l’encolure, on se balance tranquillement de droite et de gauche. Pour avaler ses cent kilogrammes de fourrage quotidiens, l’éléphant broute sans arrêt, et de notre éminence, on le voit employer sa trompe avec adresse pour se saisir du feuillage qu’il sélectionne consciencieusement, en particulier les feuilles de palmiers qu’il apprécie. Lorsqu’il déplace sa trompe, il actionne ses muscles au niveau de l’encolure, et sans le savoir nous barate gentiment le cul. Lorsqu’il mastique, c’est avec le rabat de son oreille qu’il nous masse le tibia avec plus de fermeté qu’une professionnelle de la capitale. Les mahouts, eux, sautent d’éléphant en éléphant en riant, se lèvent et s’assoient tout à tour, à l’avant, à l’arrière, sur les flancs de l’animal. Ils sont totalement à l’aise sur ces sommets ventrus, ce qui contraste avec nous, simples jouets du mouvement de notre monture, nos mains en appui contre leur massive boîte crânienne piquée de cappellini cuits dans de l'encre de seiche plantés en désordre, en guise de poils, que nos paumes seraient bien en peine de lisser.

    Après être descendus jusqu’au lac, nous bifurquons sur la droite pour avancer jusqu’à une ample berge à partir de laquelle on va baigner les éléphants. Enfin, c’est plutôt du contraire qu’il va s’agir. Une par une, les bêtes fendent lentement la surface pour se glisser dans l’eau, avant de plonger complètement pour faire de nous la fragile partie émergée d’un pachyberg. Puis l’animal, reprenant appui sur ses pattes, relève vivement tout son corps, et en un rien de temps nous prenons à nouveau de l’altitude. Célestin, sur Sengdao, a un éléphant particulièrement joueur, et pour lui, c’est un rodéo aquatique que le mahout organise. Et notre bonhomme ne s’en tire pas si mal, qui vacille mais ne chute pas ! Autour de nous, le brunissement de l’eau en dit long sur les bains de boue que les éléphants aiment à prendre là-haut, dans leurs montagnes. De surcroît, de gros étrons émergent à leur tour, mélange de feuilles jaunies et de fiente que le mouvement des bêtes dans l’eau ne tarde pas à éloigner. Cela nous laisse le temps de nous lever, maladroitement, pour prendre position sur le flanc de notre monture et plonger dans le Khao Laem.

    Pour voir la vidéo tournée par Ken, un des mahouts, cliquer ICI.

    A l’Ouest, sur la rive opposée, une bande de verdure, jumelle de celle qui est derrière nous, se fait masser le dos par une file de stratus. Au-delà, les montagnes sont fardées par une brume qui les échelonne dans un nuancier de bleu : le Myanmar. La Birmanie, qu’on aperçoit, bleutée et mystérieuse, mais où nous n’irons pas. Asile d’un imaginaire que nous stockons dans notre sac à dos – comme Ella Maillart, illustre voyageuse suisse, qui, parvenue au pied du col de Torugart, au fin fond du Kyrgizstan, clôt son récit de pérégrinations en Asie centrale, Des monts célestes aux sables rouges, par cette simple phrase décrivant la procession d’une caravane autorisée à franchir le col, alors qu’elle n’a pas le visa : « Ils vont à Kashgar, en Chine ». Il n’y a pas que de la déception dans ce constat, il y a aussi, par la transcription d’une géopoétique des toponymes, l’évocation d’un ailleurs, d'un possible, d'un futur. Quoi de plus réjouissant, au fond, que de contempler le rêve ?

    Après ce long bain, nous reprenons pied sur la terre ferme. Puis nous nous enfonçons à nouveau dans la jungle pour revenir au camp. C’est l’heure du repas.

    Pour continuer en sonorama, cliquer ici :

    On apporte à nos quatre jeunes filles des pelletées de feuilles d’ananas, dont elles sont friandes. Le Ganesha Park en commande, chaque semaine, plusieurs tonnes qui sont livrées par camion, pour 8000 bahts, l’équivalent de 200 euros. Pour les déguster, les éléphants se saisissent, avec leur trompe, d’une pousse qu’ils fouettent alternativement contre leur patte et sur le sol pour en briser la tige avant de l’avaler tout rond.

    Dans l’après-midi, nous sommes retournés baigner les bêtes dans le Khao Laem, puis nous avons longé le lac vers le sud avant de remonter sur la montagne, à travers les champs de maïs, jusqu’en lisière de jungle, où nous avons fait nos adieux à nos grosses amies. Elles ont grimpé vers leur bambouseraie sauvage, nous, on est redescendu à la civilisation du camp pour déguster un poulet au curry avec de l’ananas. On n’a rien fouetté du tout, on a juste piqué notre fourchette dedans.

    Et cette nuit, on a rêvé d’éléphants bruns.


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  • Commentaires

    1
    zaza75
    Lundi 6 Août 2012 à 10:38

    Les enfants et moi avons adoré cette vidéo du bain des Bruhat à dos d'éléphants, ça va sûrement plaire aux parigots et devenir très tendance dans la capitale ! Joli sourire d'Eve après un plongeon salvateur du mal de lac ? ou du mal des transports quadripèdes ?

    2
    Jadkat
    Lundi 6 Août 2012 à 20:42

    Géniale la vidéo !!!!!!!!!!!!!!!!!!! Et bravo Celestin, t'as "assuré grave sur ton Elephant" qui n'en faisait qu'à sa tête. Amphelise, bien joué quand tu te mets debout sur ta monture et enfin soeurette : magnifique saut -)))... bises.

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