• Quelques minutes d'unité

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    Le site de Bagan est un haut lieu de pèlerinage pour les Bouddhistes, en particulier les Birmans, une classe moyenne venue jusqu'ici pour rendre hommage au Bouddha. Serrés dans des pick-up trucks, ils enchaînent la visite des cinq ou six temples et pagodes les plus prestigieux. A genoux devant les innombrables statues et sculptures en tous genres, ils allongent le dos en tendant les mains vers l'avant, le plus souvent dans un geste de dévotion silencieuse. A l'occasion, ils psalmodient à voix basse. Un autre geste, du reste, est reproduit tout au long de la journée : celui de verser des kyats, la monnaie locale, dans des urnes, directement sur les statues ou d'autres réceptacles. Ce sont des montagnes de billets qui s'accumulent, reproductions en miniature de celles qui ceinturent le site, que l'on voit au loin. Une attention particulière est réservée aux nat, créatures qui comme dans « Le songe d'une nuit d'été », peuvent tour à tour vous protéger ou vous malmener - de manière facétieuse ou franchement brutale. Venue du fond des âges, cette armée de trente-sept créatures s'est agrégée au bouddhisme birman au point d'en devenir une composante.

    Une association qui hélas n'a pas été rendue possible pour ce qui est des Rohingyas, population musulmane de l'état d'Arakan, à la frontière nord avec le Bangladesh, qui souffre de l'ostracisme, du racisme même de la population birmane, jusqu'aux autorités bouddhistes.

    Lorsque, donc, vous quittez les chemins balisés de cette poignée de temples et pagodes, il ne reste globalement plus que les étrangers pour se promener dans les autres monuments. Assis derrière le guidon de leur e-bikes, ils sillonnent les principaux sentiers de Bagan. Arrivé dimanche, je me suis montré ferme sur ma décision de ne pas faire de même sur ces engins ridicules au look de manga japonais (mais de fabrication chinoise). Ce n'est pas parce que c'est possible que c'est obligatoire, hein les gars !

    Deux heures plus tard, j'avais les fesses posées sur la selle de skaï de mon e-bike, loué après la passation de contrat la plus rapide de l'histoire des loueurs : « Six thousand kyats, thank you, just turn the ignition and... you go », m'a dit le responsable, une plantain entre les oreilles et le regard rieur.

    J'étais le mec déter, quoi.

    Au demeurant, le génie de la visite ce site, pour moi, reste que dès que vous parcourez les sentiers moins empruntés - « moins voyagés », comme l'autorise la langue anglaise - un monde s'ouvre à vous comme au Premier homme. Comme je l'avais déclaré dans mon précédent article, personne.

    Cette garnison à Bagan m'aura permis ce luxe inouï de prendre le temps d'explorer vraiment. Mon lieu préféré ? Un petit ensemble retiré de deux temples et un stupa de belle taille, trois monuments comme on peut en dénombrer au Registan de Samarcande ou dans les ensembles de Boukhara, en Ouzbékistan.

    Seul, vous y êtes seul (LIEN VIDEO). Le premier temple abrite des peintures colorées, notamment dans l'encadrement du Bouddha assis dans le fond, sous une nuée de chauve-souris dont les déjections tapissent le sol. A sa droite, un stupa – plein comme tous les stupas, dans lequel on ne peut donc pas pénétrer. De l'autre côté du petit passage, un autre temple muni d'un escalier latéral bien dissimulé, que vous empruntez si l'essaim de guêpes sous lequel il faudra vous glisser ne vous effraie pas trop. Et là, là c'est le top. Il fait nuit noire. Les feuillages de cocotiers, agités par la brise, claquent par intermittence contre le tronc, comme une mâture bretonne.

    Assis sur la plateforme supérieure, à laquelle vous avez eu accès grâce à un petit escalier de type aztèque, vous prenez le temps de voir le ciel faire progressivement rougeoyer la bande de brume posée en appui sur la canopée. La goutte du soleil s'extrait : pendant quelques minutes, après qu'elle s'est hissée au-dessus des brumes de chaleur et avant la diffraction de sa lumière, elle donne à voir son parfait contour, sa limite précise avec ce qui n'est pas elle. Cette forme contenue contraste avec les têtes échevelées des cocotiers, le désordre des bruits de la jungle, mais surtout avec la disposition comme hasardeuse des sanctuaires. Ramassée, elle flotte au-dessus de l'hubris des hommes, avant d'éclater telle une bulle de savon et de projeter lumière et chaleur sur les dos accablés pour le restant de la journée, comme un coup de taser.

    Mon scooter transformer est chargé à nouveau. Balade !


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