• La Croisière, ça use

    Avec quatre heures de retard, aux basses heures de la nuit, nous avons fini par grimper à bord du KM Lauser. Après bien des annonces incompréhensibles, bien des fausses alertes, la foule s’est levée comme une vague pour se briser au pied du paquebot. Les milliers de voyageurs ont franchi les deux portes vitrées qu’une main s’était enfin résolue à ouvrir, pour obliquer sur la droite et rejoindre l’embarcadère.

    L’approche des flancs du navire est une vision apocalyptique – l’avant-goût d’une traversée plus compliquée que prévu. Sur le dock, une noria de passagers déjà fatigués se faufile entre des montagnes de cartons, pour atteindre les deux passerelles menant au pont supérieur. Eve et moi nous nous regardons : cette vision nous rappelle la scène de l’embarquement à Southampton, dans Titanic, de Cameron. Inquiétude.

    C’est une vraie fourmilière : on ne distingue plus les individus, aspirés dans un flot. De vieilles femmes bâtées de sacs de riz, d’autres plus jeunes tenant leur bébé en bandoulière, des hommes portant, posés au sommet du crâne, de lourds paquets que leurs bras en chandelier maintiennent en un fragile équilibre, des enfants apeurés, tous se fondent en un cortège serré, comme insécable, qui fait mouvement vers les passerelles. Dans un étrange silence, une voix s’élève : un matelot s’est hissé à mi-hauteur, sur une passerelle, et vient d’emboucher son porte-voix. Il hurle sur la foule, qui se fige, laisse passer l’orage puis… se range au pied du cerbère, sagement !

    On déroule une troisième passerelle, raide comme l’injustice qui est faite à ces pauvres passagers. Un Indonésien nous invite à l’emprunter, par sollicitude. Amphélise, protégée par sa maman, puis Célestin grimpent la pente de métal et de corde – pour ma part, je manque à dix reprises au moins de me rompre le cou en hissant notre lourde valise… Un pied sur le pont supérieur, nous demandons où se trouve le deck 5. L’employé de Pelni nous envoie remonter toute la coursive jusqu’à la poupe, où un autre employé nous indique d’un doigt hésitant notre point d’origine. Nous retournons sur nos pas, mais que la manœuvre est ardue ! Les passagers de la classe économique, de loin les plus nombreux, ont déjà installé leurs campements de fortune : des nattes posées à même le sol, sur lesquelles ils passeront ces vingt-quatre heures. Et le flot, depuis l’embarcadère, ne tarit pas… En quelques minutes, chaque pouce carré de surface est exploité pour s’installer. On ne voit mêmeplus le sol ! Nos moyens nous permettant de naviguer en seconde classe, nous aurons pour notre part, une petite cabine à quatre lits – ce qui est un luxe inouï par rapport aux conditions dans lesquelles vont naviguer la plupart des voyageurs.

    Après moult manoeuvres, nous atteignons la cabine 5009, la notre, dans laquelle nous nous engouffrons sans autre forme de procès. Dodo.

    Ce matin, après une nuit relativement calme, nous sommes sortis dans l’espoir de faire quelques pas sur le pont, mais avons renoncé : impossible de l’atteindre. Partout, des passagers sont allongés, beaucoup ont le teint livide. Se déplacer jusqu’aux toilettes tient du gymkana. Ces conditions de voyage sont inhumaines. Alors, chacun prend son mal en patience et attend la fin de la traversée. Dans notre cabine, la climatisation ne fonctionne plus, l’eau coule désormais en un filet, les cafards parcourent nos draps sans cesse et le sol s'effrite sous nos pieds, mais c’est déjà tellement mieux que ce qu’ont nos voisins de palier…

    Vivement Kumai, viement Borneo.


    Il est 12h35, le 6 septembre. Nous sommes dans la maison d'Issi, le responsable de Borneo Tours, agence installée dans une maisonnette cachée dans une minuscule ruelle. Nous venons de nous mettre d'accord sur notre prochaine aventure : quatre jours, sur un klotok, à remonter la Sekonyer, en pleine jungle, pour observer les orang-outans, les nasiques, les crocodiles... Les klotoks sont des barques d'une dizaine de mètres, tout en bois, coque et pont, sur lesquels sont installés, à la fraîche, matelas et hamacs, et qui mouillent en pleine nature, au gré de la navigation. C'est l'hystérie, chez CAFE !

    L'aventure continue.


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  • Commentaires

    1
    L&O
    Samedi 8 Septembre 2012 à 09:21

    La photo de l'entassement des pauvres gens sur le bateau est encore plus terrible que ce que je m'étais imaginé à la lecture de cet article...

    Bonne route!

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    2
    Famille Le Mans
    Samedi 8 Septembre 2012 à 21:10

    Bonjour à tous,

    Un petit coucou pour souhaiter un bon anniversaire à Célestin, et le prévenir, ainsi qu'Amphélise, que leurs professeurs les cherchent partout (même au Mans).

    Votre Blog est super !

    A+

    David, Léna, Antoine (qui est là ce WE), Ninse & oimse

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