• Tout concourt

    Nouvelles Photos ICI. (lancez le diaporama par le biais des points de suspension : c'est plus plus plaisant).

    Dieu soit loué ! Béni soit le Bouddha ! Allah est grand ! Euh... Ikéa ! J'en perds mon athéisme - allez vous faire un thé, ça va prendre un peu de temps.

    Assis au sol, depuis de longues minutes, le dos contre un stupa, de ces chapelles ouvertes au quatre vents et peuplées de Bouddhas en tous genres et de toutes matières, je regardais devant moi le sublime dôme doré de la Pagode Shwedagon glisser son fuselage dans la nuit, sa pointe s'approchant de la lune nouvelle, lorsque je me suis dit qu'il y a des moments où tout concourt.

    Même si venais de passer quinze minutes immobile dans un stupa où tous les Bouddhas étaient recouverts d'or, du même métal que le silence qui y régnait, et qu'assis derrière les fidèles, dans cette ambiance de yogi, j'avais fait en sorte que personne ne remarque mes pathétiques efforts pour parvenir à m'asseoir comme les Birmans, ahanant, le mollet gauche replié le long de la cuisse, la jambe droite repliée vers le bassin, position qui favorise l'abaissement du dos pour la prière.

    Je manquais de souplesse, mais tout concourait.

    A la tombée de la nuit, donc, la chaleur avait baissé, et j'observais les corps apaisés continuant leur balai autour du dôme, dans le sens des aiguilles d'une montre, mais comme, soudain, au ralenti. Une bise rafraîchissante s'était levée et faisait tinter les clochettes pendues aux sommets des stupas. A ce moment précis, la légère tintinnabulation s'était mêlée aux conversations et prières des fidèles.C 'était magnifique, j'étais tellement bien !

    Une heure plus tard, quittant ma table du Night market après une poêlée de légumes frits au wok, j'étais prêt à m'autoflageller – je ne pouvais m'en prendre qu'à moi, c'était de ma faute. Quel idiot d'avoir décidé de voyager en solo : je ne pouvais accuser personne d'autre pour la perte de mon appareil photo.

    Fuck.

    Après les quinze ou vingt kilomètres parcourus chaussées de mes bonnes vieilles birk, j'avais en partant du Shwedagon hélé un taxi, qui m'avait mené au marché de nuit. Et étais reparti sans mon petit, mais valeureux, Canon. Oublié. Par moi. Dans le taco ! Quel con !

    Mais, bien m'en avait pris, j'avais changé d'avis en cours de route ! Dans un premier temps, en fait, j'avais indiqué au chauffeur mon hôtel, le Mother Land Inn (qu'il ne connaissait pas... Aouch!), avant, l'appétit aiguisé, de lui demander de bifurquer vers cette cantine à ciel ouvert où familles, jeunes couples et potes en goguette viennent dîner à la fraîche.

    Sur le chemin du retour vers l'hôtel, sous le coup de la colère, je m'arrête au DAB (en anglais on dit « eï-ti-ème »), en mode « tirer deux cents balles, tu y arriveras, abruti ? » (oui, je suis à la fois loquace et vulgaire avec moi-même). En claquant la porte du distri, donc, je me nique l'auriculaire, qui se met à pisser le sang. Je me dépêche d'arriver à l'hôtel.

    Tout con court.

    Arrivé au Mother Land Inn, je suis accueilli par des employés hilares, limite moqueurs. « We have a camera for you, the taxi driver give it for you ».

    Gave, crétin (ça, c'est pour la mauvaise foi) !

    La journée avait pourtant bien démarré. Levé (bien) trop tard pour assister au lever du soleil*, je m'étais dirigé vers la Gare. En chemin, sur le pont qui enjambe les voies, j'avais observé un cimetière de métal : bogies, wagons et voitures jetés pêle-mêle sur des rails rouillés, à perte de vue vers l'Est. Je prenais mon temps, penché sur la balustrade, mon petit Canon dans les mains, lorsqu'un de ces trains s'ébranla, petit soubresaut dans cet ensemble sans vie. Je me rappelai la sensation du film de Dreyer, dans lequel le personnage de l'idiot ressuscite littéralement, se levant de son cercueil pour reprendre place parmi les hommes. Un train, donc, pouvait renaître. Idéal.

    Je me rendais à la Central Station  pour faire la boucle du Circular Train : dans un train à quatre voitures époque fin Mathusalem, début Hérode, trois heures de rêve, assis à la portière d'accès grand ouverte, à travers champs, à travers les villages qui constituent la banlieue nord de l'ex-capitale. Trente kilomètres à l'heure pour mater. Pour humer. Pour engager des conversations foireuses qui se terminent en éclat de rire. Pour prendre des photos.

    Que grâce à l'honnêteté de Sun-Yi, je peux voir. Et partager.

    Trois stations avant la fin, hop ! Je descends pour finir la boucle à pied - cinq, six kilomètres dans les townships. J'assiste à une étrange partie de billard, sur une table posée au sol dont le plateau est verni comme un candidat du centre et les coins munis de petites soucoupes comme les billards américains  : les quatre joueurs doivent pousser un pion blanc d'une pichenette pour mettre au fond un des autres pions. Seul le joueur qui tire connaît le numéro du pion qu'il doit mettre dans le trou. Malin, non ?

    Sur tout le chemin, alors que le soleil commence à décliner, on me mate comme E.T. Et on me hèle comme un taxi dans le Sahara. Marrant.

    La suite, vous la connaissez.

    Et l'auriculaire va bien.

    Tout concourt.

    * Cette esquive est pour toi, Sylvain, le fondateur du mouvement de rébellion contre les plans à la con où il faut se lever à pas d'heure pour profiter d'un lever de merde et il fait froid, en plus.


  • Commentaires

    1
    Christtouche
    Mercredi 5 Avril 2017 à 08:58

    Hello le baroudeur. Comme dab, un vrai plaisir de lire et découvrir tes aventures. Bises

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